Quand la honte et la culpabilité se transforment en tendresse
- Géraldine Redouté
- 10 oct.
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 5 jours

La honte, la culpabilité et la nécessité d’apprendre à s’aimer
La honte, une cage intérieure et invisible
La honte est une cage intérieure et invisible mais puissante, car elle enferme, paralyse et étouffe l’élan vital. Elle est souvent liée à la blessure d’humiliation.
Dans l’enfance, nous avons parfois entendu que nous étions "trop" - trop bruyants, trop vifs, trop exigeants - ou, à l’inverse, "pas assez" - pas assez sages, pas assez forts, pas assez à la hauteur.
Quand notre expression spontanée a été ridiculisée, jugée ou réprimée, nous avons appris à associer nos besoins et nos désirs à quelque chose de « mauvais ». Alors, pour rester aimés, nous avons enterré nos besoins et notre spontanéité par honte de nous-mêmes.
À l’âge adulte, cette honte - honte d'être soi - prend souvent la forme d’une tendance à se cacher, à se minimiser et à se sacrifier pour demeurer « acceptable ». Elle se manifeste aussi par une grande difficulté à poser des limites claires, comme si c’était « interdit » ou dangereux de le faire.
Cette incapacité à dire non et à s’affirmer, trouve souvent racine dans un envahissement précoce, là où nos frontières personnelles ont été piétinées, niées ou confondues avec celles des adultes qui nous entouraient.
Cet envahissement a pu prendre plusieurs formes :
physiques, lorsqu’il y a eu des gestes, des regards, ou des intrusions corporelles vécues ou transmises au niveau transgénérationnel ;
psychologiques, lorsque notre espace intérieur n’a pas été respecté, que nos émotions ou nos besoins ont été niés, ridiculisés ou écrasés.
Alors, l’enfant apprend à se protéger en se retirant, en se pliant et en se faisant petit. Il développe une peur constante, celle d’envahir l’autre s’il s’affirme, ou celle d’être envahi s’il s’ouvre. Pris entre ces deux peurs, il s'adapte constamment et se replie sur lui-même, étouffant peu à peu son élan vital, sa liberté d’être et sa joie simple et spontanée.
On pourrait dire que la honte est le masque émotionnel de l’humiliation : elle nous coupe de notre dignité et nous fait croire que nous sommes défectueux, indignes d’amour ou de reconnaissance.
Voici deux quelques exemples très simples mais impactants : un enfant chante à tue-tête, plein de joie, et l’adulte lui lance : « Tais-toi, tu chantes faux ! ». Un autre danse spontanément, et on lui dit : « Tu fais n’importe quoi ! ». Ou encore des remarques du genre « Ravale tes larmes, sois grand ! » ; « Ah non, la colère , ce n'est pas beau, ça ne se fait pas »...
Ces mots, qui semblent anodins aux yeux des adultes, peuvent pourtant blesser profondément un enfant. Il associe alors l’expression de sa joie (ou de ses émotions) à quelque chose de ridicule. Devenu adulte, il n’osera plus chanter ni danser, et encore moins exprimer sa Vérité, qui il est tout au fond - par peur d’être jugé, rejeté ou humilié.
Derrière cette retenue se cache donc aussi la peur plus profonde d’occuper trop de place, d’envahir et d’être « de trop ». Et tant que cette peur n’est pas reconnue et apaisée, il devient difficile de retrouver un sentiment d’existence libre et sécure.
Retrouver son autorité intérieure
Guérir la honte, c’est avant tout réapprendre à se respecter, et ainsi retrouver cette autorité intérieure que nous avons souvent perdue en chemin - celle qui nous permet d’écouter ce qui est juste pour nous, et de l'exprimer ; de dire « oui » à ce qui nous nourrit, et « non » à ce qui nous abîme.
Dire non, ce n’est pas rejeter l’autre, c’est se choisir soi. Dire oui, ce n’est pas se soumettre, c’est honorer ce qui fait vibrer notre cœur.
Sortir de la honte, c’est cesser de croire que nos besoins, nos limites ou nos désirs sont « de trop », et c’est reconnaître que le respect de soi est une forme d’amour, la plus simple, mais aussi la plus profonde.
Aimer, c’est respecter. Et s’aimer, c’est se respecter sans honte ni culpabilité.
C’est là que commence la véritable liberté intérieure : quand on n’a plus peur d’exister pleinement, dans la justesse de ce que l’on est.
Confidence
Ça a été un long chemin pour moi. Longtemps, j’ai cru que pour être aimée, je devais me taire, me faire petite, ne pas déranger, m'adapter et protéger les autres. J’ai appris à me fondre, à plaire, à garder mes émotions et mes ressentis pour moi et à ne pas poser de limites - par peur d’être rejetée ou jugée, voire ré-humiliée.
Peu à peu, j’ai compris que me respecter, c’était m’aimer ; que dire non n’était ni une faute ni être égoïste, mais un acte de dignité. Aujourd’hui, je choisis de dire oui à ce qui me fait du bien, et non à ce qui me blesse ou ne me convient pas - sans honte, sans culpabilité - et cela m'a libérée. Je suis responsable de moi-même et non de ce que peut penser ou ressentir l'autre - tout en restant bienveillante et à l'écoute bien sûr.
C’est encore un chemin de vigilance parfois, mais à chaque pas, je me retrouve un peu plus.
La culpabilité : frein ou moteur ?
La culpabilité, elle, fonctionne autrement. Elle est souvent liée à la blessure d'injustice, et parfois à celle « d’abandon ». Elle peut être un frein lourd, lorsqu’elle enferme dans la critique et l’auto-jugement, ou un moteur de croissance, lorsqu’elle nous pousse à agir avec justesse et responsabilité.
Avec la blessure dite d’injustice, nous avons appris qu’il fallait être parfait pour mériter l’amour. Nous avons développé un idéal inatteignable : être irréprochables, « parfaits », toujours à la hauteur. Alors, à la moindre erreur, nous culpabilisons.
Avec la blessure dite d’abandon, nous pouvons nous sentir coupables de « demander trop », de déranger, ou simplement d’avoir besoin d'aide. Pour garder le lien, nous avons alors appris à taire nos besoins et à nous accuser nous-mêmes, « à prendre su nous ».
Ainsi, la culpabilité est souvent le masque émotionnel du devoir et du lien : elle naît de la peur de perdre l’amour ou la reconnaissance si nous ne sommes pas « comme il faut ».
Tu sais quoi ? Tu es humain, imparfait et donc parfait tel que tu es !
Exemple : un parent fatigué qui crie après son enfant peut ensuite se répéter : « Je suis nul, je ne suis pas à la hauteur. » Cette culpabilité peut enfermer dans la honte. Mais la même situation peut devenir une occasion de croissance : reconnaître calmement, et dire « J’ai crié, j’étais fatigué. J’en prends la responsabilité et je cherche une autre manière de faire. » Ici, la culpabilité devient conscience et réparation, au service du lien.
Je suis donc responsable, mais pas coupable. La culpabilité enferme et est contre-productive car contribue à nous auto-détruire. La responsabilité, elle, ouvre la voie à grandir, évoluer, s'améliorer.
Confidence
J’ai longtemps porté la culpabilité comme un poids silencieux. Coupable de trop, de pas assez, ou simplement d’exister comme j’étais, dans toute ma sensibilité et ma vulnérabilité que j'ai mis beaucoup de temps à m'autoriser. Avec le temps, j’ai aussi compris qu’une part de cette culpabilité ne m’appartenait pas vraiment - qu’elle venait aussi de plus loin, transmise par ceux qui, avant moi, s’étaient crus fautifs de ne pas être parfaits.
Aujourd’hui, j’ai appris à la transformer non plus en reproche, mais en conscience - à reconnaître ce qui est à moi, à rendre le reste, et à avancer avec plus de douceur et de vérité.
De l’auto-jugement à l’amour de soi
Que l’on parle de honte ou de culpabilité, l’enjeu profond est de sortir du jugement de soi.
Nous ne sommes ni nos blessures ni nos erreurs - nous sommes simplement des êtres en chemin, capables d’apprendre, de réparer, de grandir et d’évoluer.
Passer de la culpabilité à la responsabilité, c’est reconnaître ce qui a été fait, en assumer les conséquences, et agir pour réparer quand c’est nécessaire. C’est dire : « Je suis responsable, mais pas coupable. » Je cesse de me flageller, et j’avance avec lucidité, douceur et Amour pour soi.
Quant à aimer vraiment quelqu'un - enfant ou adulte, c’est lui montrer qu’il a le droit à l’erreur et qu’il reste aimable même dans ses failles. Mais pour cela, il faut d’abord apprendre à s’aimer soi-même - assez pour accueillir ses ombres et ses contradictions, reconnaître ses élans, et transformer ses blessures en ressources.
S’aimer soi n’est pas de l’égoïsme, c’est un acte de vérité. C’est la base même d’un amour plus libre, plus juste, et plus humain. C’est offrir, à soi et aux autres ce message fondamental : « Tu es digne d’amour, exactement comme tu es. »
Un chemin magnifique et exigeant, mais profondément libérateur.
Géraldine Redouté
Je vous accompagne sur ce chemin si vous en avez besoin ou l'élan.
Consultations à Uccle/Bruxelles ou en visio
Commentaires